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AMÉLIE

l’été, et où nous avions passé quelques mois, quand je m’évadai.

Montée comme un saint Georges, et la bourse garnie, je parcourus une étendue immense de pays sans rencontrer personne, ni même aucune habitation ; cependant, je m’apercevais que mon cheval, dont j’avais précipité la marche, commençait à se fatiguer ; et moi-même je sentais que le déjeuner que j’avais pris avant de sortir du couvent était déjà bien loin ; il fallait néanmoins marcher jusqu’au village le plus prochain, et se traîner tant que le hasard m’en ferait rencontrer un, car la peur m’avait égarée dans la campagne ; enfin, après encore une heure au moins de traversée, j’aperçus de loin quelques maisons éparses, où je jugeai que je pourrais trouver un gîte pour la nuit.

J’aiguillonnai de nouveau mon coursier ; bientôt j’arrivai à la première maison d’un hameau. C’était une petite ferme que de bonnes gens faisaient valoir ; j’y fus reçue avec cordialité. Le maître de la maison, vieillard respectable, Français d’origine, que des circonstances critiques avaient depuis trente ans relégué en Toscane, fut si enchanté que le hasard eût conduit chez lui une compatriote, qu’il ne sut quelle fête me faire, et me témoigna, par mille attentions, combien il était flatté de me posséder. Pour moi, ravie d’avoir rencontré d’aussi braves gens, j’oubliai mes aventures de la