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AMÉLIE

— Adélaïde, lui dit-il, déshabillez mademoiselle, et disposez-la à nous recevoir ; nous allons entrer dans un moment. Il sortait, je cours après lui :

— Homme vil et méprisable, lui dis-je, avez-vous pu ordonner de sang-froid des apprêts qui font frémir la vertu, et a-t-on à vos yeux cessé d’adorer cette déesse, pour avoir voulu rendre heureux le plus aimé des mortels ?

Il m’écoute en riant, hausse les épaules, et se retire.

Restée seule avec Adélaïde, je veux l’interroger sur l’espèce d’hommes dont je suis la déplorable proie ; mais elle me fait la même réponse qu’auparavant, et m’engage à faire de bonne volonté ce qu’on exigera sans doute.

— Non, lui dis-je, jamais je ne consentirai à ce que cet homme féroce paraît vouloir obtenir. Je ne servirai point les caprices de ces barbares, pour qui rien n’est sacré ; et s’il n’y a que la mort qui puisse m’éviter le déshonneur, je suis prête à la recevoir.

— Hélas ! mademoiselle, me dit Adélaïde, c’est inutilement que vous voudrez résister : ils sont les plus forts ; vous résigner à leurs volontés, et vous soumettre, est le plus court parti qu’il vous reste à prendre.

— Non, jamais ; je n’y consentirai jamais…

Les sanglots m’empêchaient de continuer. Adélaïde, en rougissant, essayait de me per-