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AMÉLIE

d’humeur à me dépouiller pour lui d’une somme qui m’était venue si à propos, me poursuit et m’atteint par le capuchon. Je m’arrête, de peur qu’en le rabattant le capucin disparaisse à ses yeux ; il descend de cheval, me prend au collet et veut absolument me forcer, puisque j’ai refusé de partager, de lui remettre la bourse en entier. Ma foi, dès que je vis qu’il fallait sérieusement en venir aux mains, si je voulais défendre mon or, trop faible pour résister, je sors un des pistolets que le hasard avait fait trouver dans ma poche, je l’arme, n’ayant que l’intention de lui faire peur ; mais en le lui présentant sur la gorge, il part ; et mon coquin tombe à mes pieds. Le cheval eut tant de frayeur du coup, qu’il traîna à plus de dix pas son cavalier, qui tenait la bride attachée à son bras. Cet accident, quoique fâcheux, ne me fit point perdre la tête ; je me débarrassai seulement du froc, qui pouvait me trahir, et comme j’avais gardé dessous mes habillements de fille, je n’eus qu’à mettre sur ma tête un grand bonnet que j’avais dans ma poche ; je détachai ensuite le cheval, et, grimpée lestement dessus, je disparus comme un éclair.

Je ne m’étais pas trouvée embarrassée dans cette circonstance, parce que j’avais autrefois appris à monter à cheval chez milord, qui aimait cet exercice, et qui me le faisait prendre avec lui tous les jours à la terre qu’il habitait