Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
AMÉLIE

amenée ; il m’offrit de me reconduire, et malgré mes refus réitérés, il insista et me força d’accepter ; mais pendant qu’il était allé chercher le cheval, je sortis du château et me mis à courir de toutes mes forces, en observant bien de ne pas reprendre le chemin du couvent.

Il n’était pas possible de me dérober à la vue de ce domestique, j’étais en rase campagne ; je me flattais seulement que, quand il me verrait loin de lui, dans une route opposée à celle que je devais tenir, il ne s’obstinerait plus à vouloir me reconduire malgré moi ; mais je ne savais pas le motif qui le faisait agir ; j’ignorais que le fripon avait vu la signora Biancha me remettre la bourse en question, et qu’il avait dessein de partager avec le couvent, ou plutôt avec moi, car elle était flambée pour les révérends pères. Il m’aperçoit ; quelque temps de galop suffisent pour m’atteindre.

— Où diable courez-vous donc avec tant de précipitation ? me dit-il ; qui croirait, à votre légèreté, que vous êtes si chargé d’or ? De bonne foi, n’y a-t-il pas de la conscience à se faire payer si chèrement une heure de temps, et ne serait-ce pas trop présumer que de croire que vous serez assez raisonnable pour me donner une partie du riche présent qu’on vient de vous faire.

Je ne répondis rien, et je continuai ma route. Mon gaillard s’apercevant bien que je n’étais pas