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AMÉLIE

pécheresse que je vais essayer de réconcilier avec son créateur. En approchant du lit de la malade, j’ai soin de me couvrir le visage avec mon mouchoir, pour n’être pas vue de trop près. Cependant j’étais bien aise de savoir à qui j’avais affaire, et si l’on était d’âge et de figure à obtenir la rémission des jolis péchés qu’on pourrait avoir commis ; j’observai donc ma pénitente du coin de l’œil : vingt-deux ans tout au plus ; de grands yeux noirs et un visage couvert de la mort, dont les traits laissaient encore entrevoir leur régularité, m’intéressèrent en sa faveur, et je me sentis disposée à lui pardonner toutes ses faiblesses.

— Allons, ma fille, lui dis-je d’un ton mielleux, ouvrez-moi votre cœur, et surtout ne me déguisez rien, si vous voulez trouver grâce auprès de celui que vous avez offensé.

Ma belle pénitente se rassura, me fit l’aveu de quelques infidélités qu’elle avait faites à un mari vieux et jaloux, absent dans ce moment, et qu’on l’avait forcée de prendre, à cause de l’immense fortune dont il jouissait. Je riais, sous cape, en lui entendant raconter ses petites fredaines, et d’après ce que j’avais vu dans le couvent que je quittais, et la réputation dont jouissent en général les prêtres et les moines, je rougissais de honte pour les hommes qui ont la faiblesse de croire qu’un ministre catholique, souvent perdu de crimes, a le droit inaliénable