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AMÉLIE

père était allé figurer à l’office avec les autres, j’affublai la sainte guenille et le fameux cordon de saint François, et munie de la clef du jardin, que j’avais escamotée la veille au gardien, rentrant ivre-mort, je m’esquive de ce repaire diabolique en bénissant le ciel de m’avoir encore retirée, sans malheur, du gouffre dans lequel j’avais eu la faiblesse de me laisser entraîner.

J’étais sortie du couvent avec tant de précipitation, que je ne m’étais seulement pas donné la peine de regarder de quel côté je tournais, et le hasard faisait errer mes pas depuis une heure, sans avoir rencontré personne, quand enfin j’aperçus de loin un homme à cheval qui courait à toute bride. Je m’ajustai du mieux que je pus pour ne pas paraître suspecte au cavalier lorsqu’il passerait près de moi, et je fis bien de prendre mes précautions, car il s’arrêta quand nous fûmes à dix pas l’un de l’autre.

— Mon père, me dit-il, j’allais à votre couvent pour prier l’un de vous de venir assister, dans ses derniers moments, la signora Biancha, ma maîtresse, qui est actuellement à son château dans le plus grand danger. Puisque Dieu permet que je vous rencontre, j’espère que vous serez assez charitable pour ne pas me laisser aller plus loin. Montez en croupe, mon révérend, et que Dieu vous bénisse.

Le cas était épineux ; j’avais quelques risques à courir ; car, d’un côté, si on venait à découvrir