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AMÉLIE

la main sous le menton, êtes-vous un peu remise de vos fatigues ? car, Dieu merci, aujourd’hui vous en avez essuyées de bien des manières ; ce joli garçon, avec lequel nous vous avons surprise, ne vous a pas sans doute épargnée ? Allons, remettez-vous. S’il ne vous a pas entièrement contentée sur ce point, vous trouverez ici des gens tout aussi complaisants que lui, qui ne vous refuseront rien.

Ce discours ne me laissa plus de doutes sur le sort qui m’était réservé dans cette maison, et je vis bien que je n’y avais été amenée que pour satisfaire la passion de mes indignes ravisseurs. Un torrent de larmes inonde mon visage ; mais le barbare se rit de ma douleur, et continue son persiflage :

— Allons, la belle innocente, allons, préparez-vous à jouer à ce jeu charmant, auquel vous preniez tant de plaisir ce matin, et tenez-vous bien sur vos gardes, car vous aurez affaire à forte partie. Je ne crois pas cependant que cela vous inquiète. L’habitude vous a mise dans le cas de ne pas craindre un adversaire, quelque savant qu’il soit.

Je ne soufflais pas un mot ; je n’avais pas la force de lui répondre, tant était grand l’étonnement où j’étais, de me voir ainsi traitée. Puis, s’adressant à la jeune personne qui s’était levée à son arrivée, ce qui me fit présumer qu’elle était à son service :