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AMÉLIE

j’y arrivai, un bâtiment marchand allait mettre à la voile pour Livourne ; je m’embarquai.

La traversée fut prompte, et des plus heureuses. Parmi les passagers qui se trouvaient à bord, un jeune Espagnol, nommé Ferdinand, auquel je n’avais pu cacher mon sexe, m’avait fait une cour assidue, et paraissait désirer que je répondisse à son empressement. J’étais libre, et malheureusement mon cœur, qui s’était habitué depuis longtemps à des jouissances devenues nécessaires, ne pouvait plus éprouver de vide : je ne le fis pas soupirer après un bonheur idéal, auquel il mettait un prix infini ; le jour même de notre arrivée à Livourne, je mis le comble à ses désirs.

Ferdinand avait vingt ans ; une querelle de famille l’avait obligé de s’éloigner de la maison paternelle ; et comptant sur les ressources que lui offraient ses talents dans la musique, il avait résolu de passer en Italie, où il serait plus à portée de les faire valoir en les perfectionnant. Il m’instruisit de tout cela en débarquant, et nous allâmes descendre dans le même hôtel où je consentis à passer pour sa femme, en reprenant les habits de mon sexe.

Nous vécûmes en bonne intelligence pendant environ deux mois que nous restâmes ensemble ; mais l’argent qu’il avait apporté d’Espagne, celui qui m’était resté de la bourse de Majorno, tout cela ayant disparu, il fallait prendre