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AMÉLIE

en continuant son cruel récit, mais ce que je ne pardonne pas à M. Fabricio et à sa sœur, c’est d’avoir fait enlever cette fille, et d’avoir poussé trop loin leur vengeance, en la faisant empoisonner. Aussi la justice vient-elle de se mêler de cette affaire, et je ne sais pas ce que tout cela va devenir.

Comme je m’aperçus que ce garçon prenait le parti de Fabricio et de sa sœur, et qu’il leur passait tout, excepté le poison, je ne voulus point l’instruire de la fuite de ces assassins, dont je venais d’être informée ; je me contentai de le remercier de sa complaisance, et je sortis après avoir payé la tasse de chocolat que j’avais prise, bien punie de ma curiosité, par les mortifications qu’il m’avait fallu essuyer de la part d’un homme qui m’avait encore, avec cela, donné de fort mauvaises nouvelles.

Certaine de mon malheur, et trop convaincue par ce que je venais d’entendre, que je ne jouissais pas d’une réputation assez brillante pour m’encourager à faire quelques démarches auprès des personnes qui étaient attachées à Lelio, je me décidai à fuir, sentant bien que je ne pourrais jamais vivre que malheureuse dans une ville où le plaisir m’avait apparu sous tant de formes différentes. En conséquence de cette résolution, je me rendis sur le port, déterminée à passer sur le premier vaisseau que je trouverais prêt à partir, quelque part qu’il allât ; au moment où