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AMÉLIE

je prendrais à l’écouter, il commença ainsi : — Monsieur Lelio, me dit-il, tenait une maison de commerce dans notre voisinage, depuis la mort de son frère, auquel il avait succédé. Du vivant de celui-ci, Lelio avait pour maîtresse une demoiselle, nommée Léonida, qu’il avait promis d’épouser ; mais le frère aîné, après un assez long séjour en Angleterre, pour les affaires de son commerce, ramena de ce pays une jeune fille avec laquelle il vécut jusqu’à sa mort. Cette aventurière, qui se trouvait alors sans ressource, parvint, à ce qu’on dit, à force d’artifice, à se faire aimer du jeune frère, qui eut la sottise d’abandonner pour elle celle à laquelle il avait promis sa main. Le frère de Léonida, pour venger sa sœur, appela en duel Lelio, qu’il blessa mortellement.

— Ne dites-vous pas, mon ami, dis-je en l’interrompant trop vivement, pour entendre la fin de sa phrase, que Lelio n’a été que blessé par son adversaire ?

— Oui, sans doute, reprit mon impertinent conteur qui ne m’avait pas ménagée dans son récit, oui, il a été blessé, mais si grièvement que, le lendemain du rendez-vous, il est mort de ses blessures.

En entendant ces mots, j’éprouvai une faiblesse qui ne me permit plus de rester debout, je fus obligée de m’asseoir.

— Rien de mieux jusque-là, dit mon bavard,