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AMÉLIE

dont la mort de mon amant devait être la cause, je passais subitement d’une incertitude pénible, à la connaissance d’un malheur certain ; et mon esprit était trop faible pour soutenir ce choc épouvantable, sans en paraître altérée : un torrent de larmes vint inonder mon visage ; j’eus toutes les peines du monde à cacher la cruelle révolution qui s’opérait en moi.

Comme on a toujours de la peine à se convaincre des choses qui deviennent un tourment quand on n’en peut plus douter, je voulais être instruite de tous les détails qui avaient accompagné et suivi cette catastrophe ; pour y parvenir j’attendis que l’heure du déjeuner fut passée, et qu’il ne restât plus personne dans le café ; alors je m’adressai à l’un des garçons, homme d’un certain âge, qui me parut un bon diable.

— Mon ami, lui dis-je, il y avait tout à l’heure, à côté de moi, des jeunes gens qui s’entretenaient d’une affaire d’honneur qui a eu lieu ces jours-ci entre un certain Fabricio et un négociant de ce quartier, auriez-vous connaissance de cette querelle ?

— Oui, monsieur, me répondit ce garçon, j’en sais toutes les particularités, que j’ai entendu raconter ici par M. Bernardo, ami intime du jeune homme qui a succombé dans cette affaire. Si vous êtes curieux de les apprendre, je vais vous en instruire.

Dès que je lui eus fait connaître l’intérêt que