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AMÉLIE

sûre de ne pouvoir être remarquée dans un quartier où, en supposant que je fusse rencontrée par des personnes qui pourraient m’avoir vue quelquefois, il était hors de toute vraisemblance que je pusse être reconnue sous l’habit que je portais.

J’entrai dans un café, où je me fis servir du chocolat, dans l’intention d’interroger, en particulier, un des garçons, sur un événement qui avait dû faire assez de bruit, pour que personne ne l’ignorât. Je craignais cependant de faire des questions qui pourraient me compromettre, et j’hésitais, flottant entre le désir et la crainte, lorsqu’un particulier entre avec précipitation, vient se placer à une table près de la mienne, où deux jeunes gens déjeunaient, et leur dit à mi-voix, assez haut cependant pour que je puisse l’entendre :

— Soyez tranquilles, Fabricio et sa sœur sont hors de danger, je viens de les accompagner jusqu’au vaisseau sur lequel ils se sont embarqués.

Je remarquai que, lorsque ces jeunes gens eurent appris cette nouvelle, leurs physionomies qui, auparavant, m’avaient paru assez tristes, s’étaient déridées pour prendre l’empreinte de la joie ; je présumai qu’ils étaient les amis de ces monstres.

Cet avis avait produit sur moi l’effet contraire, car, en apprenant la fuite de Fabricio,