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AMÉLIE

dit à ce sujet ne me paraissait pas suffisant pour éclaircir mes doutes. Il était possible d’ailleurs que la réponse insignifiante qu’il m’avait faite, lorsque je l’avais interrogé sur le fatal combat, dont l’issue était encore un problème pour moi, ne l’eût été que dans le dessein de me cacher la vérité, pour profiter de la terreur que mes soupçons, bien ou mal fondés, pourraient m’inspirer. Je me déterminai donc à suivre le grand chemin, au risque d’être arrêtée par Majorno, s’il découvrait celui que j’avais pris. J’espérais cependant l’éviter, en réfléchissant que j’avais quelques heures en avant.

J’avais déjà fait en courant près de deux lieues, lorsque j’aperçus de loin une voiture à laquelle il était arrivé un accident. Je hâtai le pas, et en m’en approchant, je demandai à deux dames qui avaient mis pied à terre et qui attendaient qu’elle fut raccommodée, la permission de monter derrière, parce que j’étais déjà bien fatiguée. Elles consentirent volontiers à m’accorder une place et pour qu’elle fût plus commode que celle dont je paraissais me contenter, elles voulurent que je la prisse sur le siège, à côté de leur domestique. Je n’eus que le temps de monter, la voiture se remit en marche.

Je n’étais pas, cependant, sans inquiétudes : de temps en temps je me retournais pour m’assurer que je n’étais pas poursuivie ; enfin, je parvins à me débarrasser de mes craintes, en