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AMÉLIE

— Allons me dis-je, l’occasion est favorable, il faut en profiter.

Je me lève en tremblant ; et, me ressouvenant qu’il avait posé sa bourse sur une chaise, près de son lit, j’y vais sur la pointe des pieds, retenant mon haleine, de peur de l’éveiller : je m’en empare et retourne me coucher, en attendant que je puisse m’évader.

Le coup était hardi ; mais par mille raisons, je le crus nécessaire : voilà comme insensiblement on s’accoutume au crime, en trouvant toujours des prétextes quand on veut le commettre.

Je n’avais pas fermé l’œil de la nuit, attendant le jour avec une impatience qu’il est aisé de sentir : il venait enfin de paraître. Sa clarté bienfaisante en rétablissant, en quelque sorte, le calme dans mon cœur, agité par le sentiment de ma faute, avait aussi dissipé une grande partie de mes frayeurs. Je m’habille à la hâte pour ne pas donner à Majorno le temps de s’éveiller ; cinq minutes me suffisent, et semblable à l’éclair qui disparaît quand on l’aperçoit, je laisse la maison bien loin derrière moi, avant qu’on puisse se douter de ma fuite.

En sortant de Saint-Roch, je crus reconnaître le chemin que j’avais parcouru la veille : je me félicitai de ce hasard, qui me remettait dans la route de Cadix, dont je ne m’étais éloignée qu’à regret, avant d’avoir acquis la certitude que Lelio n’existait plus ; car ce que Fabricio m’avait