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AMÉLIE

me forceriez de recourir à des extrémités que le repentir pourrait suivre.

Cette menace produisit quelque effet sur lui ; il se décida à me laisser tranquille et à se retirer dans son lit.

Débarrassée de ce pesant fardeau, je ne m’amusai point à dormir, mais à faire encore de pénibles réflexions sur ce qui venait de m’arriver pour trouver les moyens de fuir, au plus vite, les dangers dont j’étais menacée.

Pendant que je me livrais à mes méditations, Majorno se mit à ronfler comme un bienheureux. Tristement étendue dans mon lit, n’ayant pas seulement une piastre à mon service, dévorée surtout du désir ardent de m’éloigner d’un homme que sa conduite me rendait méprisable, j’avais beau me tourmenter l’esprit, je ne pouvais me décider sur ce que j’avais à faire. Enfin, après m’être tournée et retournée cent fois, avant d’avoir pu fixer mes irrésolutions, une idée vint pourtant frapper mon imagination ; je m’y arrêtai. Elle présentait bien quelques inconvénients dans les moyens d’exécution, mais aussi, si je pouvais prendre sur moi de la faire réussir, je sortais de l’esclavage honteux dans lequel je me voyais forcée de ramper, sans apercevoir l’instant qui pourrait m’en affranchir ; cet espoir me détermina.

Je savais que Majorno avait une bourse bien garnie d’or ; le profond sommeil dans lequel il était enseveli favorisait mon attentat.