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AMÉLIE

celui-ci les formes qui pourraient me trahir, je me couchai sur le côté, la figure vers la ruelle, serrant les cuisses par devant et couvrant ma gorge avec mes deux mains.

Cette position, loin de déjouer ses projets, servit à les seconder, car je m’efforçais de cacher ce qu’il était loin de soupçonner, et qui d’ailleurs l’inquiétait fort peu, et je lui abandonnais précisément l’objet de ses désirs. Flatté de mon apparente résignation, il redouble ses caresses ; je n’ose m’y opposer, dans la crainte de dévoiler le mystère que je veux rendre impénétrable ; il profite de l’avantage que je lui donne, et dans l’instant je me sens percer dans un endroit où je ne me doutais pas que j’eusse encore un pucelage à perdre. La douleur que je ressentis me fit jeter un cri que je ne pus retenir : mon premier mouvement, pour me débarrasser de lui, fut de me retourner machinalement sur le dos : ce n’était pas là ce qu’il lui fallait ; il essaya de me faire changer de posture ; mais une de ses mains, glissant sur la surface de mon corps, alla se porter sur cet endroit où la nature a si distinctement établi la différence des sexes. Étonné de celui qu’il reconnaît en moi, il retire sa main avec autant de précipitation que s’il voulait la garantir d’un brasier ardent ; et cessant tout à coup de me prodiguer ses dégoûtantes caresses, il me dit avec surprise :

— Quoi ! vous êtes une femme ?