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AMÉLIE

Mon maître était négociant à Malaga. Comme il retournait chez lui après une absence de quelques mois, nous prîmes la route de cette ville. Pendant la journée, je n’eus point à me plaindre de la conduite de mon compagnon de voyage à mon égard ; seule avec lui dans la même voiture, il ne s’était rien passé qui pût me donner la moindre crainte, et j’espérais qu’après cette épreuve, il n’y avait plus pour moi de danger à courir, quand le soir à Saint-Roch, où nous nous arrêtâmes, Majorno (c’était ainsi qu’il s’appelait), voulut absolument me faire coucher dans sa chambre. J’ignorais le motif qui le faisait agir ; il pouvait avoir peur et se croire plus tranquille, quand je serais près de lui ; voilà tout ce qui me vint d’abord à l’esprit ; mon déguisement d’ailleurs semblait me garantir des attaques que mon sexe connu aurait pu m’attirer, mais j’étais loin de m’imaginer que je ne lui étais chère que parce qu’il me croyait ce que je n’étais pas. Je ne me refusai donc point à ce que je savais bien qu’il était en droit d’exiger ; mais surtout pour ne lui donner aucun soupçon.

Nous étions à peine couchés, que Majorno se releva et vint à tâtons du côté de mon lit. Je ne pus me défendre d’un peu de frayeur, car je n’étais plus alors sous la sauvegarde de mon habillement ; je commençai à craindre qu’il ne m’eût devinée, et je m’apprêtai, dans le cas où je ne pourrais parvenir à cacher mon sexe, à