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AMÉLIE

faires à Cadix, n’attendait qu’un vent favorable pour s’embarquer ; quant à moi, dans l’accoutrement où j’étais, on me prit pour un page à son service, et cette méprise, que j’entretins, me fit naître des idées dont je sus profiter. Environ un quart d’heure après notre arrivée, il me dit qu’il allait retourner chez sa sœur pour ne lui donner aucun soupçon, et qu’il reviendrait souper avec moi. Je lui témoignai toute ma reconnaissance de ses attentions ; il parut de plus en plus satisfait, et me quitta en me promettant de faire la plus grande diligence.

Il me parlait encore, que mon esprit battait déjà la campagne pour trouver le moyen de lui échapper ; car je me doutais bien qu’il avait des vues sur moi, et qu’il ne prenait pas tant de soin de ma personne sans espérer le dédommagement de ses peines. Je sentais que jamais je ne pourrais lui accorder la moindre faveur. Plus je réfléchissais au parti que je devais prendre, plus je voyais croître mon embarras. Me représenter dans la maison de Lélio, dans l’état où j’étais, c’était chose impossible : y aurais-je trouvé quelqu’un qui eût voulu me recevoir, après l’événement malheureux dont j’avais été la cause ? Il ne me restait donc qu’à faire valoir, le plus tôt possible, le déguisement qu’une circonstance impérieuse m’avait forcée de prendre. La tête pleine de projets, plus bizarres les uns que les autres, je descendis à la cuisine, où je trou-