Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
AMÉLIE

débarrasser de leurs mains ! mais c’était chose impossible : il fallut donc se résigner et attendre en silence le résultat d’un voyage qui ne laissait pas que de m’inquiéter. Enfin nous arrivons : la lune qui venait de se lever me facilita les moyens de remarquer que la maison où nous entrions était isolée ; alors mes frayeurs redoublèrent. Je me crus perdue, ou, pour le moins, destinée à de nouvelles horreurs. J’affectai cependant un calme parfait ; je ne fis pas à mes guides l’honneur de les questionner une seule fois sur ce qui m’était réservé. On me conduisit dans une chambre, où je trouvai à peu près le nécessaire ; et la nuit s’écoula sans que personne vînt troubler mon repos.

Le lendemain matin, je vis entrer dans ma chambre Fabricio, accompagné d’une femme, que je présumai sa sœur, car je ne l’avais point encore vue : la rage était peinte sur la figure de cette harpie, qui brûlait de la faire éclater.

— Te voilà donc, me dit-elle aussitôt qu’elle m’aperçut, méchante créature, te voilà donc en mon pouvoir, et je puis à mon aise me venger de l’injure que tu m’as faite, en m’enlevant le cœur de mon amant. Sache que jamais femme n’a pardonné un tel affront, et que tu ne fuiras pas le châtiment qui t’attend.

En même temps, je vois entrer les deux hommes qui m’avaient amenée. Ils me saisissent chacun par un bras, me font asseoir sur une