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AMÉLIE

ami pour éclaircir les doutes qui me tourmentent. À peine ai-je fait cent pas, qu’au détour d’une petite rue assez mal éclairée, deux hommes se présentent à moi : l’un se dit porteur d’un ordre du corrégidor et m’ordonne de le suivre chez ce magistrat.

L’esprit trop plein de l’objet qui l’occupe, je ne fais presque pas d’attention à ce qu’il me dit, et je m’échappe. Cependant je me retourne, et quand je les vois à ma poursuite, je précipite ma course. Le désir d’arriver chez Bernardo, plus encore que la peur de tomber dans les mains de ces fripons (car je ne m’étais point mise dans le cas d’être appelée chez le corrégidor), rendait ma fuite plus légère, et je les avais laissés bien loin derrière moi, quand par malheur une pierre se trouve sur mon passage et me fait tomber par terre. Mes persécuteurs, qui avaient ordre de m’amener morte ou vive, eurent le temps de me rejoindre. Ils profitèrent de la faiblesse qui fut la suite de mon accident : l’un d’eux alla chercher une voiture, dans laquelle on me porta, et nous étions déjà hors la ville quand je m’aperçus qu’il n’était plus temps de m’opposer aux desseins de mes ravisseurs.

Que de réflexions je fis sur la vicissitude des scènes de la vie et sur les dangers qui naissent à chaque instant, sous les pas d’une femme qui a méconnu ses devoirs ! J’aurais bien voulu me