Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
AMÉLIE

donné assez de temps pour qu’il ne lui restât pas de doute sur son triomphe, je le laissai pénétrer dans l’intérieur de la place, où il crut bien fermement n’être parvenu qu’après avoir forcé toutes les barricades.

Persuadée, par ses ardentes caresses, que l’illusion avait été complète, je me vis alors en possession du cœur de ce nouvel amant, et je crus que rien ne troublerait le bonheur que j’espérais enfin fixer auprès de moi ; mais c’est en vain que l’homme se flatte : un rien suffit pour détruire ses espérances. Je n’avais pas réfléchi qu’en bannissant du cœur de Lelio une femme qui, avant moi, y régnait en souveraine, j’avais allumé le flambeau de la vengeance, et que, pendant que je donnais des lois, on s’occupait à détruire mon pouvoir. Ah ! si j’avais pu deviner ce que me coûterait ma victoire, je n’aurais pas balancé entre la haine d’un amant rebuté et celle d’une femme qui se croit méprisée ; je me serais plutôt exposée, avec certitude, aux horreurs de la misère, en refusant constamment à l’un des faveurs dont l’autre devait bientôt me faire repentir.

Léonida, devenue ma plus cruelle ennemie, n’avait fait aucune réponse au billet que je lui avais fait remettre ; nous n’avions pas même entendu parler d’elle depuis plus d’un mois. Il y a lieu de croire que pendant ce temps elle avait médité son projet de vengeance ; et voici