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AMÉLIE

depuis deux jours, cette révolution qui, douze fois dans l’année, fait sentir aux femmes toute leur faiblesse ; il me restait encore quelques marques de son ravage ; je jugeai l’occasion favorable pour le tromper ; et, la tête occupée de ce beau projet, loin d’éviter la présence de celui que je voulais faire ma dupe, je cherchai tous les moyens de me trouver seule avec lui.

Cela ne devait pas être fort difficile, car il faisait, de son côté, tous ses efforts pour me seconder ; enfin, le soir nous nous trouvâmes seuls dans mon appartement, et bientôt il renouvela ses sollicitations. Il me reparla de la violence de son amour, me fit valoir les sacrifices qu’il avait faits, et qu’il était encore tout prêt à faire pour moi, si j’en avais à lui demander. Soit que je parusse opposer moins de résistance, soit qu’il se fût décidé à tout entreprendre, il me prit dans ses bras et me porta sur mon lit.

Ce fut là qu’il fallut mettre en œuvre tous les ressorts du grand art de tromper, et conserver toute sa tête en paraissant l’avoir perdue. Heureusement que l’obscurité favorisait ma trahison ; tout alla comme je m’en étais flattée ; les douleurs que je feignais de ressentir, le regret qu’il semblait avoir de les causer, en m’encourageant à les supporter avec patience, pour jouir ensuite d’un bonheur céleste, dont il me faisait pressentir les délices, formaient une scène tout à fait plaisante pour moi ; enfin, quand je crus lui avoir