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AMÉLIE

moi-même, en m’abandonnant sans réserve à mon bienfaiteur, qui toujours plus amoureux, et convaincu de ma sagesse, m’avait laissé entrevoir qu’il ne tarderait pas à m’épouser.

Cet établissement, flattant ma vanité, me l’avait singulièrement attaché : j’attendais avec impatience, sans cependant avoir témoigné mon empressement, l’heureux jour qui devait mettre le comble à mon bonheur, quand une maladie subite, dont il fut attaqué, me l’enleva en quelques jours, sans qu’il pût faire la moindre chose en ma faveur.

Je n’avais point encore éprouvé de perte aussi sensible : la fin tragique de Georges m’avait cruellement affectée : bien jeune alors, sans la moindre expérience, mon cœur avait été presque aussitôt guéri de sa blessure ; mais cette fois, ma raison, mûrie par plus de six années d’épreuves, me fit faire de tristes réflexions sur la situation malheureuse où je me voyais réduite. Je fondis en larmes, en pensant à la rigueur du sort qui m’accablait, et la peine que j’éprouvai serait difficile à rendre.

Pendant les premiers huit jours, Lelio, ce jeune frère de Borglia, fut aux petits soins près de moi ; il mit tout en usage pour me faire supporter, avec fermeté, ce fâcheux événement ; quoi qu’il ne connût pas parfaitement les véritable raisons qui m’arrachaient tant de larmes, il me croyait seulement sensible à la mort d’un