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AMÉLIE

obligations, car, sans m’en avoir parlé, il s’était arrangé avec l’hôtesse, et j’étais quitte envers elle de tout ce que je lui devais. En déjeunant il m’apprit qu’il était garçon et qu’il avait une maison de commerce à Cadix, où il était établi depuis dix ans ; que ses affaires étant finies à Londres, il était sur le point de retourner chez lui.

Ce fut dans ce moment-là que je me trouvai le plus embarrassée : j’étais à la veille de perdre un homme qu’il m’était bien essentiel de conserver. Je craignais, avec raison, que mes refus réitérés ne refroidissent une ardeur que j’avais affecté de ne vouloir pas partager ; et je sentis qu’il était temps de me relâcher un peu de mon austérité, pour le forcer à prendre un parti sur mon compte.

Tout en me donnant ces détails, il s’était insensiblement approché de moi ; il me serrait la main, et dans un moment où je feignis de vouloir la retirer, il la porta à sa bouche et la couvrit de baisers. Je me plaignis de sa témérité, de manière à lui laisser entrevoir qu’il avait la permission de recommencer. Il ne se le fait pas redire, et me prenant dans ses bras il colle sa bouche sur la mienne ; je me débats pour la forme ; mais ma résistance est si douce qu’elle lui sert d’encouragement. Il croit le moment favorable, m’enlève de terre, me porte sur mon lit, et lisant dans mes yeux qu’il peut