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AMÉLIE

tience le retour de mon étranger. Pendant son absence, mille réflexions me passèrent par la tête ; j’étais indécise sur la conduite que je devais tenir vis-à-vis de lui. Me laisserai-je aller à ses désirs, dès qu’il paraîtra vouloir user des droits que ses bienfaits lui donneront sur moi, ou continuerai-je à jouer la vertueuse ? voilà ce que je me demandais à moi-même, et ce qu’il n’était pas facile de résoudre parce que je ne connaissais point assez son caractère pour déterminer précisément le rôle qui me convenait dans cette circonstance. Cependant, en me rappelant ce qui avait accompagné et suivi mon récit, je crus qu’il ne fallait point m’écarter des principes que j’avais professés, et j’en demande pardon à la vertu, j’empruntai sa physionomie douce et attachante pour mieux tromper.

Borglia (c’était le nom de mon étranger), exact à sa parole, revint le soir comme il me l’avait promis ; l’air empressé qu’il me marqua, les soins et les attentions qu’il eut pour moi en me questionnant avec délicatesse sur la nature de mes besoins, tout servit à me confirmer dans l’idée qu’il prenait grand soin à ma petite personne, et que je ne devais plus, pour le moment, avoir d’inquiétudes sur mon sort. Trois ou quatre jours s’écoulèrent sans qu’il osât me faire la moindre proposition qui pût effaroucher mon austère vertu ; il semblait qu’il craignît de me regarder en face, et s’il m’arrivait de surprendre