Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
AMÉLIE

bon voisin, qui ne sait que penser d’une singerie qu’il croit sincère, est touché de mes pleurs et me serre dans ses bras avec attendrissement.

Le voyant en si bon train :

— Fermez, lui dis-je, la porte ; que personne que vous ne puisse être témoin de ma confusion.

Et puis me voilà lui forgeant un beau roman sur les malheurs qui m’ont accompagnée, depuis qu’un parjure a osé porter atteinte à mon innocence. Je lui parle de celui qu’il avait pris pour mon époux comme d’un vil scélérat qui, après m’avoir fait quitter d’honnêtes parents qui m’aimaient tendrement, a eu la bassesse de m’abandonner dans un pays étranger, où je n’ai personne de connaissance dont je puisse implorer les bontés.

Ce tableau, que j’ornai des couleurs qui lui étaient propres, fit sur mon étranger tout l’effet que j’en attendais : il mêla ses pleurs aux miens, ne vit en moi qu’une jeune innocente, victime de son penchant, pour un homme qu’elle avait cru trop légèrement, et m’offrit tous les secours qui dépendraient de lui. Je le remerciai avec ce ton qui laisse entrevoir qu’on est disposé à accepter ; et il me quitta en me demandant la permission de me revoir le soir.

Enchantée de la réussite d’un projet dont l’exécution allait me faire sortir de l’état affligeant où je me trouvais, j’attendis avec impa-