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AMÉLIE

rer d’y parvenir ; aussi je ne perdis pas mon temps à réfléchir sur ce que j’avais à faire dans la position où je me trouvais ; il ne me restait qu’un moyen, celui de rentrer dans la carrière que j’avais déjà parcourue : tant il est vrai qu’en tout, ce n’est que le premier pas qui coûte, et que quand une fois on s’est écarté du sentier de la vertu, on a bien de la peine à y rentrer.

Je m’étais aperçu qu’un étranger, qui demeurait dans le même hôtel garni que nous, m’avait souvent fixée avec attention et paraissait désirer de lier connaissance avec moi : je ne doutai point que ce qui l’en avait empêché jusqu’alors, n’eût été la présence de l’abbé, qu’il croyait mon mari, et je me flattai qu’il ne serait pas difficile de l’attirer chez moi dès qu’il me verrait seule. En effet, mon veuvage datait à peine de deux jours que mon étranger, que je guettais comme le chasseur fait la perdrix, entra dans mon appartement, dont je laissais presque toujours la porte entr’ouverte, pour lui faciliter le moyen de me parler.

— Bonjour, ma belle voisine, me dit-il en assez mauvais anglais (car il était Italien, originaire de Palerme, et me croyait Anglaise), d’où vient que depuis quelques jours je n’ai point aperçu le cher époux ? est-il indisposé ? daigneriez-vous m’en donner des nouvelles ?

Je me mis à pleurer pour rendre la scène plus attendrissante, et je ne répondis rien. Mon