Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
AMÉLIE

lons, de la fenêtre à laquelle je me retins par les deux mains ; à mesure que l’abbé descendait, il guidait mes pieds sur les pointes d’en bas, tandis que je m’agrippais à celle d’en haut ; et en suivant cette méthode, je parvins, sans le moindre accident au fond du fossé, dont nous ne pûmes sortir qu’en usant du même procédé. C’est ainsi que je quittai le château de milord, après avoir vécu onze mois dans la plus grande abondance.

Quand nous fûmes tout à fait dehors, nous et nos paquets, l’abbé s’en chargea ; et nous gagnâmes la première poste, sur la route de Londres, où nous arrivâmes de très bonne heure. Nous y vécûmes pendant trois mois dans une parfaite union ; mais l’infidèle, l’ingrat, pour qui j’avais tout sacrifié, s’apercevant qu’il ne restait presque plus rien de l’argent et des effets que j’avais emportés, dans la crainte de partager la misère qui me menaçait ou de travailler à la prévenir, un beau jour m’abandonna à moi-même et ne me laissa, pour prix de ce que j’avais fait pour lui, que le regret de l’avoir connu.

Tombée encore une fois, mais par ma faute, dans la misère la plus profonde, sans autre ressource que ma jeunesse et quelques attraits, je sentis la nécessité d’arrêter, dans sa fuite, la fortune qui m’était échappée. Ce n’était pas en restant chez moi à me désoler et à gémir sur l’inconstance des hommes, que je pouvais espé-