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AMÉLIE

du désagrément qu’il m’avait occasionné sans le vouloir. Mon amour lui fit trouver grâce devant moi, et tout fut oublié ; on ne se serait pas douté, la nuit suivante, que celle qui l’avait précédée eût été si orageuse.

Milord revint le troisième jour, comme il nous l’avait promis ; l’embarras était de savoir comment nous continuerions, l’abbé et moi, notre commerce de galanterie sans être découverts de notre Argus. Fanny, qui s’aperçut que ce retour nous contrariait, fit l’officieuse et se chargea de conduire à elle seule l’intrigue ; nous eûmes la faiblesse de nous fier à ses soins ; la perfide ne nous les avait offerts que pour nous trahir. En effet, quand tout le monde fut retiré, et à l’heure convenue, elle introduisit, avec mystère, le pauvre abbé dans mon appartement, et se retira en nous souhaitant bien du plaisir. Nous en eûmes effectivement, mais il ne fut pas de longue durée ; car milord, accompagné de deux domestiques, vint nous surprendre, et nous trouva dans une attitude qui ne lui laissa rien à désirer, pour s’assurer de la vérité du rapport qu’on lui avait fait. L’abbé fut, dès le lendemain matin, congédié de la maison avec défense d’y jamais revenir ; quant à moi, il paraît qu’on avait des projets de vengeance que je ne donnai pas le temps d’exécuter.

Avant de partir, l’abbé me fit remettre par le jardinier un mouchoir, qu’il lui dit avoir pris