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AMÉLIE

— C’est moi, me répond une voix que je reconnais pour être celle de Fanny, ma femme de chambre.

Il est bon de savoir que cette fille était amoureuse folle de l’abbé, qui s’en souciait peu, et que, n’ayant pu parvenir par ses agaceries à s’en faire aimer, elle avait résolu d’obtenir, à quelque prix que ce fût, ce qu’il s’obstinait à lui refuser, et de le perdre ensuite. Elle avait cru l’absence de milord favorable à ses desseins et avait été à son appartement pour le forcer d’accepter des faveurs qu’elle ne pouvait plus voir aussi cruellement dédaignées ; mais n’ayant trouvé personne, elle s’était bien douté qu’il était avec moi, et était venue pour tirer de l’aventure le meilleur parti possible.

— Que voulez-vous à l’heure qu’il est, lui dis-je, et qui vous a permis de venir ainsi interrompre mon sommeil ?

— Pardon, madame, me répond cette fille tout essoufflée, et pouvant à peine parler, ce n’est pas vous que je cherche, c’est un infidèle qui vient de m’abandonner, et que je redemande à tout ce que je rencontre.

Et tout en disant cela, elle s’approche de mon lit, tâtonne et saisit par le bras le pauvre abbé, qui cherche à l’éviter.

— Te voilà donc, ingrat, lui dit-elle avec fureur, en élevant la voix ; tu as cru pouvoir échapper à ma poursuite, et tromper ainsi toutes