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AMÉLIE

Il y avait déjà plus d’une demi-heure que je battais le pavé, lisant, en courant, tous les écriteaux de chambres à louer que j’apercevais, lorsqu’au détour d’une rue je fus rudement coudoyée par un jeune homme qui allait comme un fou. Le choc fut si violent que nous nous arrêtâmes tous deux en face l’un de l’autre, et que je manquai me trouver mal d’un coup de coude que je reçus dans la poitrine. Ce jeune homme me fit mille excuses de sa brutalité involontaire, et me voyant beaucoup souffrir, me dit que sa mère demeurait à quatre pas de l’endroit où nous étions ; qu’il m’engageait à l’y accompagner pour qu’il lui fût possible de me donner les secours qui m’étaient nécessaires. Les douleurs que je ressentais véritablement, et surtout l’espérance de trouver, par les soins de la mère de mon inconnu, un lieu sûr pour me réfugier, me firent accepter sans balancer l’offre obligeante qu’il me faisait. Je lui donnai le bras, car j’avais un peu de peine à me soutenir, et bientôt nous arrivâmes à la maison de la mère. Elle avait son entrée par une allée assez malpropre, au bout de laquelle était un escalier très sombre, où de la lumière, en plein midi, n’eût pas été de trop.

Parvenus au second étage, mon conducteur sonna ; une vieille servante vint ouvrir ; il me remit entre ses mains pour me conduire dans la pièce qui faisait face à la porte ; et il passa