Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
AMÉLIE

moi, pendant plus d’une heure. Je démêlai, dans tout ce qu’elle me dit, que ce qui l’avait le plus choquée, c’était mes liaisons avec un homme qu’elle avait chassé de chez elle, et qu’elle me menaçait d’en faire autant de moi, pour me donner le temps de le voir à mon aise.

Je ne voulus point attendre cette humiliation ; je fis sur-le-champ mes paquets et je descendis chez elle pour lui demander compte de l’argent qu’elle avait à moi, car j’avais fait la sottise de ne garder que quelques louis pour mes menus plaisirs. Elle refusa de me remettre ce qui m’appartenait, en m’objectant que je ne pouvais pas sortir de chez elle avant d’être remplacée, et que si je me permettais de la quitter, sans son aveu, elle voulait avoir entre les mains de quoi la dédommager des pertes que je lui occasionnerais.

Indignée de ce dernier procédé, dont l’infamie surpassait tous les autres, je sors avec précipitation, bien décidée, quoi qu’il dût m’en coûter, à ne point rester chez une femme avec laquelle je ne sentais que trop qu’il ne m’était plus possible de vivre, et mes premiers pas me portent chez l’amant qui venait de me quitter. On me dit qu’il est reparti depuis près de deux heures pour la campagne, qu’on ne sait où il est allé, et qu’on ignore quand il reviendra.

Il était clair comme le jour que c’était une défaite ; que son caprice satisfait, il ne voulait