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AMÉLIE

ciant d’Orléans. L’aîné, nommé Georges, était âgé de dix-huit ans ; l’autre, qu’on appelait Joseph, n’en avait que dix-sept, et moi j’achevais ma seizième année.

Élevés ensemble, il régnait entre nous trois une tendre amitié ; je les appelais mes frères, ils me nommaient leur sœur : l’amour ne m’avait point encore appris qu’il est des noms plus doux, et nous coulions nos jours dans les douceurs de la paix et de l’union la plus intime. Nous les partagions entre l’étude, la promenade et les jeux de notre âge. Je ne sais si plus d’égards de la part de Georges me le faisaient préférer à son frère, mais mon cœur éprouvait près de lui de ces émotions douces, de ces sentiments tendres que l’autre ne m’avait point inspirés.

Un jour que Joseph, mandé chez son père pour faire consulter un mal d’yeux qui lui était survenu, avait engagé mon oncle à l’accompagner, nous restâmes seuls, Georges et moi. Une vieille bonne, sous l’inspection de laquelle nous étions depuis longtemps, était la seule gardienne qu’on nous eût donnée. Cette femme nous laissa libres, parce qu’elle ne s’était pas encore aperçu qu’il y eût du danger à le faire, et qu’elle aurait pu craindre que trop de précautions ne nous fît naître des idées toujours très difficiles à étouffer.

Le temps était superbe : Georges, après le dîner, me proposa un tour de promenade ; j’acceptai. Nous étions à peine sortis, qu’il me dit