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AMÉLIE

satisfait de ma réponse, et après avoir fermé au verrou la porte de ma chambre, il vint à moi et me déshabilla lui-même de la tête aux pieds ; puis il délia, devant moi, un petit paquet qu’il avait sous le bras en entrant chez moi, et en retira d’abord une espèce de jupon, fait à peu près comme sont ceux des garçons brasseurs et des boulangers ; puis un bonnet de velours avec un bourrelet pareil ; et enfin, une robe faite à l’enfant, avec ses lisières. Quand il se fut déshabillé à son tour et qu’il eut endossé ce déguisement original, il prit un livre et me donna une poignée de verges pour le fustiger toutes les fois qu’il ferait des fautes dans la leçon qu’il me chargea de lui faire lire.

Quand il m’eut bien mise au courant de Ce qu’il voulait que je fisse, nous nous mîmes en besogne. Je lui fis d’abord faire plusieurs fois le tour de la chambre, en le promenant, comme un enfant, par la lisière ; et pour l’encourager à marcher tout seul, ou pour le récompenser quand il ne s’était pas laissé tomber, je lui faisais les caresses qu’une gouvernante fait ordinairement au poupon qu’on lui a confié, et j’étais obligée de l’embrasser de temps en temps et de lui promettre du bonbon et des joujous, s’il marchait comme un homme.

Mais quand nous en vînmes à la leçon, il n’y eut plus de quoi rire, car il ne pouvait pas lire deux mots de suite, et chaque fois qu’il se trom-