Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
AMÉLIE

par des persiennes à ressorts si serrées, qu’il était impossible de voir au travers. On me fit rouler, à ce que je présume, au moins trois bons quarts d’heure, sans que je pusse savoir où l’on me conduisait : de temps en temps, je faisais des questions à mon compagnon de voyage ; mais ses réponses vagues prolongèrent mon inquiétude jusqu’à notre arrivée. Enfin, un bruit sourd que j’entendis me fit présumer que nous entrions dans une cour ; et en effet, dans le même instant, la voiture s’arrêta.

Quand je fus descendue, comme il faisait nuit alors, il ne me fut pas possible de reconnaître si j’étais à la ville ou à la campagne ; tout ce que je pus voir, c’est que j’étais dans la cour d’une maison, qui paraissait d’une vaste étendue. Le valet de chambre qui m’avait accompagnée me donna la main, et après m’avoir fait traverser une enfilade d’appartements sombres, il m’introduisit dans un boudoir fort bien éclairé, où je trouvai le personnage en question, qui me fit le plus grand accueil et les compliments les plus agréables. C’était un grand homme sec, d’environ quarante ans, et d’une complexion faible, sur lequel, au premier aspect, je ne formai pas de grandes espérances de plaisir : il y avait une demi-heure que j’étais avec lui, lorsqu’on vint annoncer que les bains étaient prêts. Nous passâmes dans une salle, où, après nous être déshabillés, nous nous mîmes chacun dans une baignoire.