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AMÉLIE

ries, où il me fit ses adieux, après m’avoir donné quelques louis, qu’il n’eut pas de peine à me faire accepter, et je n’entendis plus parler de lui depuis ce jour.

Dans la même semaine, la Dupré me fit part qu’un négociant fort riche, qui voulait rester inconnu, et qui lui avait été adressé par une de ses pratiques, l’avait chargée de lui procurer une jeune femme qui voulût bien se prêter à une fantaisie dont les suites n’avaient rien de redoutable pour celle qui la satisferait ; qu’elle était instruite, par le valet de chambre de ce ridicule personnage, du moyen plaisant qu’il employait pour forcer la nature à seconder ses désirs, mais qu’elle voulait m’en faire mystère pour me ménager le plaisir de la surprise ; que comptant sur moi, elle avait cru pouvoir promettre, et que le lendemain, sur la brune, on viendrait me prendre en voiture.

Ce mystère, que la Dupré m’avait fait, piqua singulièrement ma curiosité ; je brûlais d’être au moment de la satisfaire. Le jour suivant, ce jour trop long pour mon impatience, s’était enfin écoulé : à l’heure convenue, une voiture s’arrêta devant la porte ; la Dupré reconnut le valet de chambre et me fit signe de m’apprêter. Ce fut l’affaire d’un instant, parce que je m’étais préparée ; et en moins de cinq minutes je fus en voiture : on en ferma, avec le plus grand soin, les portières, dont les glaces étaient recouvertes