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AMÉLIE

après s’être ruiné dans un emploi auquel il n’entendait rien, fut forcé d’abandonner son équipage et de se retirer avec moi chez un de ses frères, curé d’un village près Orléans. Soit qu’il craignît d’être à charge à ce bon parent, brave homme qui nous avait appelés et reçus de bien bon cœur, malgré la modicité de son revenu, soit qu’il s’ennuyât de ne rien faire dans un pays où il n’avait ni connaissances, ni habitudes, le chagrin s’empara de lui, et quelques mois après notre arrivée, il fut attaqué d’une maladie violente qui le ravit en peu de jours à la tendresse de mon oncle et aux embrassements de sa fille.

Je n’avais alors que dix ans : mon oncle sentant bien qu’il était temps de commencer mon éducation, mais hors d’état d’en faire les frais, s’il n’augmentait son revenu par quelques accessoires à celui de sa cure, monta une petite maison d’instruction, et prit des pensionnaires, auxquels il enseignait la géographie et la langue latine. Au moyen de cette ressource, il ne se borna pas à mon égard aux leçons qu’il pouvait me donner lui-même, il me procura des maîtres ; et si j’acquis quelques talents agréables, je les dois au sacrifice que mon oncle fit de son repos pour activer cette institution.

De beaucoup d’élèves qu’il avait formés depuis les six années que durait cet établissement, il ne lui restait que les deux fils d’un riche négo-