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AMÉLIE

suite, sans en attendre l’ordre ; et me levant de terre avec ses bras nerveux, il me porta, malgré moi, sur une chaise longue, placée en face du sopha où son maître était couché, et m’y étendit en se jetant sur moi. Je me mis à crier de toutes mes forces, tant j’étais offensée de cette violence, et je faisais les plus grands efforts pour me débarrasser de ses bras ; mais réfléchissant sur ma position embarrassante, dans une maison inconnue, où j’étais à la merci de gens qui pouvaient à leur gré disposer de moi, peut-être aussi tentée de goûter d’un fruit que je ne connaissais pas encore, je souffris qu’il substituât deux fois son maître dans des fonctions que ce lâche n’était pas digne de remplir, et pour lesquelles il avait plus d’aptitude que lui.

Aussitôt que le nègre eut achevé sa besogne, il sortit sans proférer un seul mot : pour moi, je me levai et je vis le maître, dans une agitation incroyable, se débattre sur le sopha et rouler en bas sur le parquet, où il trouva infailliblement autant de plaisir que son nègre m’en avait procuré.

Quand il fut remis de cette étonnante convulsion, il tira un autre cordon, et deux femmes de chambre vinrent nous aider à nous r’habiller. Nous retournâmes ensuite à la salle à manger, où une bonne collation nous attendait. Sur les sept heures du soir, nous remontâmes en voiture, et il me reconduisit à la porte des Tuile-