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AMÉLIE

souffrait de son indifférence, quand enfin il me proposa de me déshabiller ; et sans attendre ma réponse, il m’en donna l’exemple, que je suivis sur-le-champ. Tous deux rendus à notre état naturel, je me flattais qu’au moins il allait offrir à l’ensemble de mes appas l’hommage que j’avais droit d’en attendre ; mais c’était une erreur d’y songer, il n’en avait pas plus l’envie que le pouvoir. Je crus qu’il fallait que j’aidasse à la nature, et je me disposais à la secourir ; il retira ma main avec beaucoup de vivacité, en me disant que cela n’était pas nécessaire : j’attendis donc en silence la suite de cette aventure.

Après avoir tourné autour de moi plusieurs fois, et m’avoir examinée sans me toucher, il s’étendit sur un sopha et me pria de me promener seule en tous sens dans le salon, en marchant à la fois sur les pieds et les mains : j’obéis, et les diverses attitudes que ce travail me faisait prendre, produisit sur lui un effet plus prompt peut-être que celui que mes mains auraient pu faire. Je le vis enfin en état de grâce, et je m’imaginais qu’il ne m’oublierait pas cette fois dans ses prières ; mais mon heure n’était pas encore venue : il tira le cordon d’une sonnette, qui vraisemblablement avait déjà servi en pareille occasion ; et à l’instant je vis paraître un jeune nègre de cinq pieds sept à huit pouces, assez bien de figure, nu comme nous, qui, stylé aux caprices de son maître, vint à moi tout de