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AMÉLIE

lui paraît qu’un jeu inventé par le plaisir, pour préparer de nouvelles jouissances. Cette femme-là n’est donc pas à plaindre, elle n’est que méprisable. Je vais, en rapprochant quelques traits qui pourront faire voir jusqu’à quel degré peut aller l’avilissement de cette espèce de femmes, prouver en même temps qu’il est des hommes abrutis qui n’ont de l’espèce humaine que la forme ; qui, blasés sur les plaisirs naturels, qu’ils ne regardent que comme secondaires, croient n’en trouver de réels que dans les fureurs d’une imagination exaltée par le libertinage le plus crapuleux.

On se rappelle que, par suite de la correction que m’avait fait donner la sévère madame de Verneuil, je n’avais pu, pendant quelque temps, m’occuper des intérêts de la Dupré : je venais enfin de lui annoncer qu’elle pouvait disposer de moi, dès qu’elle le jugerait à propos, lorsqu’un messager lui remit dix louis, avec un billet par lequel, en substance, on lui disait qu’on avait eu l’avantage de me voir, et que m’ayant trouvée fort jolie, on désirait faire avec moi une partie qu’on tâcherait de me rendre agréable. Qu’on me priait, si j’acceptais la proposition, de me trouver, le jour même, à midi précis, aux Tuileries, où on se rendrait bien sûrement. Elle me montra le billet, et malgré la petite disgrâce qui m’était arrivée dans ma dernière affaire, je la chargeai d’y répondre et de promettre que je me