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AMÉLIE

nous quittèrent ensuite ; Lebrun resta seul avec moi, malgré quelques prières de ma part, pour l’engager à les suivre. Il me rappela la promesse que je lui avais faite, de le récompenser des soins qu’il aurait pris de ma vengeance, et je me vis forcée de lui en accorder le prix.

Il me restait à connaître le second projet dont il m’avait fait mystère : je le pressai de me l’apprendre, et je sus que son dessein avait été d’exiger de l’argent du curé, pour nous faciliter les moyens de faire le voyage de Paris, où il désirait depuis longtemps d’aller, pour des raisons que j’ignorais alors, et dont je ne fus malheureusement que trop bien informée. Afin de me déterminer plus sûrement à partir, parce qu’il fallait bien que je l’accompagnasse, pour qu’il eût un prétexte de s’emparer de l’argent, il me fit entrevoir que le curé, à qui sa place donnait des relations étendues, pourrait bien faire des démarches dont les suites incertaines nous exposeraient à mille désagréments, pour ne rien dire de plus ; je me laissai persuader, et les craintes qu’il m’inspira me déterminèrent à le suivre où notre intérêt commun semblait nous appeler.

Nos préparatifs furent bientôt achevés. Le temps que je ne donnai pas à l’amour (je parle de moi seulement, car je n’étais pas payée de retour), je l’employai à faire des paquets de mes effets, et le lendemain nous partîmes pour Paris.