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AMÉLIE

Lorsque Lebrun vit qu’il ajoutait la vilenie à ce qu’on pouvait, à si juste titre lui reprocher, il le mit dans l’alternative, ou de subir le supplice qu’on lui avait préparé, ou de s’en tirer en me payant à l’instant la somme de trois mille florins, à laquelle il le taxa. Le curé eut beau protester qu’il ne savait où trouver cette somme, il l’obligea, par les menaces épouvantables qu’il lui fit, de l’emprunter à des amis auxquels il écrivit de chez moi, en prétextant qu’il était en marché de quelques ornements pour son église, et qu’il ne pouvait aller jusque chez lui, de peur de manquer cette affaire qui lui paraissait avantageuse. Il priait ses amis, dans le cas où ils voudraient bien lui rendre ce service, de remettre avec confiance au porteur de sa lettre, qui servirait de reçu, la somme qu’ils lui prêteraient.

Muni de deux lettres, l’un des amis de Lebrun courut aux adresses indiquées et, en moins d’une demi-heure, nous rapporta les trois mille florins qu’il avait reçus sans difficulté. On remit alors le curé en liberté. En le conduisant jusqu’à la porte, on le félicita d’en avoir été quitte à si bon marché ; mais le saint homme n’était pas de cet avis, si l’on en juge par la mauvaise humeur qu’il témoigna en s’en allant.

Quand il fut retiré, Lebrun fit servir un joli souper, qu’on égaya de toutes les manières, aux dépens du généreux pasteur. Les deux amis