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AMÉLIE

projet que je ne devais connaître que quand le premier aurait eu son effet, prévint ma faiblesse, en s’adressant à lui avec un ton imposant, qui ne lui permit pas de réplique.

— Vous avez abusé, avec la dernière indignité, d’une orpheline sans expérience qui, dans son malheur, allait s’adresser à vous comme à un second père ; vous avez, par ce forfait, mis le comble à son infortune. La mort qui devrait punir ce crime impardonnable dans un homme ordinaire, assez malheureux pour s’écarter des principes de l’honneur, est trop douce pour vous, ministre d’une religion bienfaisante, qui vous ordonnait, à son égard, l’usage des vertus dont vous recommandez si sévèrement la pratique aux autres, tandis que vous ne rougissez pas de les fouler aux pieds. Et vous osez demander quelle réparation on veut exiger de vous ? Il n’en est point qui soit en votre pouvoir. Vous ne pouvez qu’adoucir des maux qui feront le tourment de sa vie ; pour y parvenir, il n’est qu’un moyen que je veux bien encore vous proposer : c’est d’offrir à mademoiselle Wolner, dont vous connaissez l’indigence, les secours qu’elle a droit d’attendre de vous.

Cette proposition ne parut pas être du goût du curé, il hésita longtemps à répondre ; ce ne fut que quand il se vit pressé de s’expliquer, qu’il jura qu’il lui était impossible de faire la moindre chose en ma faveur.