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AMÉLIE

et moi j’attendis mon ennemi dans la salle d’entrée. Tout était bien clos.

Pendant que je fus seule, quelques terreurs vinrent m’agiter ; mais le désir de me venger prit le dessus et parvint bientôt à les dissiper.

Le curé ne se fit point attendre ; sept heures sonnaient quand il vint frapper à ma porte. J’avais eu soin de me tenir dans une toilette assez négligée, pour que la pâleur que les veilles de la nuit m’avait occasionnée, parut être l’effet de l’état désespérant que je lui avais annoncé, et dans lequel je voulais qu’il me trouvât. Je lui ouvris et le fit entrer dans le premier cabinet.

En le voyant reparaître, toute sa scélératesse vint se retracer à mon esprit ; je tremblai de tous mes membres. Il s’approcha de moi d’un air gracieux, me fit quelques compliments sur ma beauté, et malgré l’air froid que j’affectai pour les recevoir, quoique intérieurement je me sentisse dévorée du feu de la colère qui me possédait, il n’eut pas à se plaindre de mon accueil, mais aussi il ne m’inspira aucune pitié pour les tourments qu’on lui préparait.

Il s’était assis à côté de moi ; déjà, en me serrant doucement la main, il cherchait à adoucir mon ressentiment par les propos les plus flatteurs, lorsque tout à coup Lebrun et ses amis sortent du cabinet et fondent sur lui le pistolet à la main.

— Tu vas périr, lui dit mon vengeur, tu vas