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AMÉLIE

Je recevais alors, quelquefois, les visites d’un jeune homme, nommé Lebrun, que j’avais vu souvent chez une voisine, avant qu’on me mît au couvent, et qui, depuis que j’en étais sortie, me faisait une cour assidue : je rentrais, quand il vint frapper à ma porte. J’étais encore trop animée, en lui ouvrant, pour pouvoir lui cacher le trouble qui m’agitait ; il s’aperçut aisément du désordre répandu sur toute ma personne, et m’en demanda la cause avec l’inquiétude que lui suggérait son amour, dont il me renouvela les assurances. Je l’aimais véritablement ; il l’avait ignoré jusque là, et je n’en serais vraisemblablement pas encore convenue, sans la circonstance qui m’obligeait de lui en faire l’aveu, si je voulais trouver en lui une partie presque aussi intéressée que moi à servir ma vengeance.

— Eh bien ! je me rends à vos vœux, lui dis-je, si vous voulez me venger d’un prêtre exécrable qui, sans pitié pour la fille infortunée d’un homme qui fut son ami, a osé employer la violence pour la déshonorer.

Il jure qu’il est prêt à m’obéir. Pour exciter son courage, je lui raconte ce qui vient de m’arriver. Dans la fureur qui le transporte, il veut aller le punir sur-le-champ : je m’y oppose ; j’exige même de lui qu’avant d’effectuer sa promesse, il se concertera avec moi sur la manière d’agir, sans compromettre sa sûreté ; et pour avoir le