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AMÉLIE

— Pourquoi donc, me dit-il, affecter tant de courroux contre un amant passionné qui vient de vous donner la preuve la plus éclatante de sa tendresse ? Daignez réfléchir un instant sur se qui vient de se passer ; je suis sûr que vous me rendrez plus de justice. Celui que vous regardez maintenant avec mépris, vous paraîtra peut-être digne de quelque retour. Dépend-il, en effet, de nous de commander à nos passions ? L’amour ne s’accroît-il pas en raison de la résistance qu’il éprouve ? Une fois porté à l’excès, connaît-il des digues assez fortes qui puissent s’opposer à ses progrès ? Rien n’est alors sacré pour lui : il renverse indistinctement tout ce qui se trouve sur son passage, et pourvu qu’il arrive à son but, il s’inquiète peu des chemins qui l’y ont conduit. Vous vous êtes attiré, par vos refus indiscrets, les mauvais traitements dont vous vous plaignez ; oui, ma belle amie, vous êtes aussi coupable que moi, car vous ne pouvez me reprocher autre chose que d’avoir cherché à éteindre les feux dévorants que vous aviez allumés dans mon cœur.

Honteuse, pour lui, de l’insulte qui lui servait de défense, je ne réplique pas un mot : je me hâte seulement de sortir d’une maison que j’avais en horreur. Comme il n’avait plus alors de raisons pour me retenir, il m’ouvre une porte qui donnait sur un escalier dérobé, et je m’échappe, en me promettant bien de me venger de son abominable conduite.