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AMÉLIE

manières douces, son désintéressement apparent, mille qualités que j’avais remarquées en passant, enfin, un je ne sais quoi qui plaît et qu’on ne peut définir, me l’avaient fait distinguer des autres. J’allai donc le trouver comme ancien ami de la maison, avec toute la confiance que je devais avoir dans un homme de son caractère, pour lui demander les conseils qui devaient me guider dans le sentier de la vertu, sentier étroit et périlleux où je me proposais d’entrer.

Il était occupé lorsque je me présentai ; cependant, il me reconnut et vint à moi dès qu’il m’aperçut. Ma visite parut le flatter infiniment, car la gaieté se répandit sur toute sa figure, et je ne fus pas, je crois, la seule à m’apercevoir de l’impression que je lui avais faite. Il me demanda avec intérêt le sujet qui m’amenait vers lui, et lorsque je lui eus dit que je désirais lui parler de quelques affaires qui m’étaient personnelles, il feignit de ne pouvoir m’entendre alors, pour avoir occasion de m’entretenir en particulier, et m’indiqua pour le soir un rendez-vous chez lui.

Je fus exacte, n’ayant aucuns soupçons sur la moralité d’un homme que je respectais à plus d’un titre ; je me trouvai cependant un peu embarrassée, quand, après m’avoir reçue affectueusement, il me conduisit avec mystère dans une chambre à l’extrémité du corps de logis qu’il habitait.