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AMÉLIE

compatriotes que j’eus occasion de voir à Paris, ne m’eût appris qu’ils étaient passés en Amérique, où mon beau-frère avait un parent dont il était allé implorer le secours.

Lorsque ma mère mourut, je me trouvai seule dans le monde, sans parents que je connusse, car ceux à qui je devais le jour n’étaient point de Bruxelles, ils étaient originaires d’Allemagne, et leur établissement dans cette ville avait été accidentel : sans amis, car d’ordinaire ils suivent la fortune, et sans biens, puisque mon père avait eu la faiblesse de s’en dépouiller, je ne possédais rien dans la nature que quelques attraits et dix-neuf ans, dont les trois derniers avaient été passés à gémir dans un cloître, et un cœur tendre fait pour aimer, mais qui n’avait pas encore rencontré l’objet qui devait partager ses affections. Légère par caractère et craignant avec raison de manquer d’expérience pour me conduire assez prudemment, je crus ne pouvoir mieux faire que de m’adresser à l’un des prêtres qui étaient reçus chez mon père, comme à celui qui m’avait paru le plus digne de ma confiance : c’était le curé de la paroisse sur laquelle nous avions demeuré ; car alors j’avais abandonné ce quartier, pour me retirer dans un autre où je vivais de ce que j’avais pu sauver du naufrage.

Cet ecclésiastique, quoique jeune encore, avait cependant un air grave et de dignité qui inspirait, au premier abord, la vénération. Ses