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AMÉLIE

son bien pour tirer celui-ci de l’embarras où il se trouvait.

Les créanciers qui avait su profiter de la facilité avec laquelle on enlevait à mon père tout ce qu’on lui demandait, n’avaient accordé que des délais très courts : de sorte qu’aux échéances, il lui fut impossible de réaliser les cautionnements ; ils excédaient d’ailleurs sa fortune : ce qui prouve qu’en les souscrivant, il avait eu trop de confiance dans les promesses de son gendre, pour croire qu’il serait un jour obligé de les acquitter. Faute de paiement, on fit des poursuites rigoureuses, et la vente de tout ce que nous possédions s’ensuivit.

Mon père, accablé de chagrin et de regrets, trop affecté de ses malheurs, qu’il pouvait se reprocher, pour survivre à sa ruine, tomba malade quelque temps après et mourut dans les bras de ma mère, qui ne tarda pas à le suivre, et qui eut cependant le courage, mourant victime de son ambition et de son orgueil, dont les fautes rejaillissaient sur moi, d’avouer son injustice à mon égard, en me retirant du couvent quelques jours avant sa mort.

Dès le commencement du désastre de ma famille, ma sœur et son mari s’étaient expatriés avec quelques débris, pour éviter les poursuites qu’on avait dirigées contre ce dernier. Personne ne savait où ils s’étaient réfugiés ; je l’ignorerais même encore, si deux ans après, un de mes