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AMÉLIE

ma vocation pour cet état m’avait fait faire.

À peine avais-je disparu de la société, que ma sœur, tirant un nouvel éclat d’une fortune anticipée, qui devait bientôt résulter de la profession en religion qu’on me croyait décidée à faire, se vit entourée de prétendants au bonheur de posséder sa main. Elle fit un choix selon son cœur ; mais ma mère, qui aurait voulu voir une couronne sur la tête de sa fille, ne l’approuva pas et la fit consentir à épouser un certain marquis bien impertinent, bien fat, sans autre ressource qu’un nom peut-être usurpé, et qui croyait beaucoup honorer ma famille, en voulant bien s’unir à une fille assez riche pour le tirer de la misère.

Pendant que ce mariage se préparait, on me tyrannisait dans mon couvent pour me forcer à prendre le voile qui devait assurer le bonheur de ma sœur et satisfaire le fol orgueil de ma mère. Bien déterminée à ne jamais engager ma liberté dans un état pour lequel je me sentais une répugnance invincible, je feignais de n’en être pas trop éloignée, pour ne point irriter ceux qui, sans cette apparente résignation, auraient pu resserrer encore mes liens. On me croyait donc prête à faire ce qu’on avait mis tant de chaleur à vouloir obtenir.

Les conditions du contrat furent bientôt arrêtées et signées. Mes parents firent tous les sacrifices qu’on exigea d’eux : ma mère surtout, qui